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2016 - L’impuissance alimentaire des abeilles - Etude de recherche du CNRS Toulouse - Centre de Recherches sur la Cognition Animale

Figure : Abeille se nourrissant d’une solution sucrée © Gabriela de Brito Sanchez

Une équipe du Centre de recherches sur la cognition animale (Gabriela de Brito Sanchez et ses collaborateurs - CNRS à Toulouse) montre que des abeilles qui rejettent naturellement des solutions sucrées mélangées à des substances aversives (amères, salées), consomment ces substances si elles sont privées de la possibilité de choisir d’autres alternatives alimentaires. La consommation de ces substances devient encore plus importante si en plus d’enlever la possibilité de choisir la nourriture, les abeilles sont stressées par un confinement forcé avec cette nourriture. Ces résultats suggèrent que le stress et l’absence de choix alimentaires ont un impact significatif dans l’ingestion de nectars qui dans d’autres conditions ne seraient jamais acceptés par les abeilles, ce qui pourrait affecter la survie des colonies. Cette étude est publiée dans la revue Scientific Reports.

La question de pourquoi les animaux acceptent parfois, de façon surprenante, d’ingérer des substances toxiques qui peuvent affecter dramatiquement leur survie est extrêmement importante pour comprendre certains aspects de la biologie de la nutrition qui pourraient paraitre incompréhensibles à simple vue. Cette question devient encore plus importante dans le cas de l’abeille domestique, un insecte qui souffre des modifications substantielles de son environnement à cause des pratiques agricoles humaines et qui fait face à une mortalité massive au niveau mondial.
L’abeille domestique est un insecte pollinisateur dont l’activité de butinage a une importance économique fondamentale pour l’homme. En France, environ 70 % des espèces de plantes recensées, sauvages et cultivées, sont pollinisées par les insectes pollinisateurs et certaines plantes en dépendent totalement. Or, depuis un certain temps, les populations d’abeilles sont en déclin dans le monde entier. Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer la perte massive de colonies d’abeilles, y compris des maladies, des pathogènes, des parasites, de nouveaux prédateurs, les pesticides et le changement climatique. Cependant, la question de savoir comment l’alimentation des abeilles est affectée par différents niveaux de stress et de disponibilité de nourriture, a été beaucoup moins examinée.
Il est généralement admis que des animaux dont le budget énergétique est déficitaire (c’est-à-dire, affamés) montrent des prédispositions à ingérer des substances qui normalement leur sont aversives. Ainsi, les abeilles d’une colonie affamée prendraient éventuellement le risque d’ingérer des substances toxiques. Une autre possibilité, beaucoup moins étudiée, est le fait que la consommation de telles substances puisse surgir de l’absence de choix et du stress environnant qui détermineraient un état « d’impuissance alimentaire ». Dans une telle situation, les abeilles se nourriraient de substances toxiques lorsqu’elles réalisent que ce choix est inévitable.
Gabriela de Brito Sanchez et ses collaborateurs du Centre de Recherches sur la Cognition Animale à Toulouse, ont confronté ces deux hypothèses (budget énergétique vs. impuissance alimentaire) dans le cas du comportement alimentaire de l’abeille domestique. Les chercheurs ont ainsi déterminé si l’acceptation de substances aversives et toxiques s’explique par l’état de satiété des abeilles (rassasiées ou affamées) ou par la possibilité qui leur est laissée de rejeter ou non la nourriture désagréable.
L’équipe toulousaine a montré que les abeilles confrontées à un choix entre une solution sucrée pure et le mélange de cette même solution avec une substance aversive (amère ou salée), ont toujours préféré la solution sucrée pure exclusivement, indépendamment de leur budget énergétique. Cependant le fait de leur supprimer la possibilité de choisir change leurs décisions dramatiquement : quand elles sont confrontées à une seule option alimentaire elles finissent par manger des mélanges qu’auparavant elles avaient rejeté de façon systématique, et ce indépendamment de leur budget énergétique. La consommation de ces substances devient encore plus importante si en plus de leur ôter la possibilité de choisir, on les stresse en les enfermant avec la nourriture.
Ces résultats montrent ainsi que quand les abeilles n’ont pas le choix, et qu’en plus elles sont soumises à des situations stressantes, elles abandonnent leurs préférences alimentaires originelles et finissent par consommer ce qui se trouve à leur portée, voire des nourritures qu’elles rejetteraient dans des conditions normales. L’équipe de Gabriela de Brito Sanchez interprète ce comportement comme un cas « d’impuissance alimentaire » dans lequel les abeilles sont amenées à consommer des substances aversives quand il n’y a pas d’autre choix possible.
Ces résultats ont un impact fondamental dans le contexte des pertes massives de colonies d’abeilles au niveau mondial. Ils pourraient indiquer que des pratiques agricoles récurrentes, combinant monocultures (c’est-à-dire, sans choix alimentaire) et traitement avec des substances toxiques, sderaient susceptibles d’avoir comme conséquence indésirable une acceptation du choix par les abeilles de nectars toxiques, ce qui pourrait affecter leur survie et celle de leurs colonies.

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